Aujourd’hui, nous laissons la place à un article « invité », même si c’est Jean-François qui nous a fait le plaisir de nous recevoir à Moscou. Il évoque ici les quelques jours que nous avons vécus ensemble.

 

Quand je les ai vus tous les six sonner à ma porte un soir de juillet dans le centre de Moscou, alignés sur deux rangées comme pour une photo, les quatre plus petits devant, les deux plus grands derrière, je n’en croyais pas mes yeux; un sourire timide sur des visages, pas spécialement fatigués par une course de 10 jours à travers l’Europe de l’Est, après toutes les aventures que nous connaissons maintenant. En fait, j’étais un peu inquiet. J’avais su qu’ils avaient quitté la Belgique, je devinais par les reports de dates de départ que tout n’avait pas été simple, puis, plus rien, plus de nouvelles… Jusqu’à ce jour vers 14.00, un sms laconique : « Nous arrivons vers 18.00 ».

Ouf !

Mais c’est maintenant que commençait la galère. 10 jours d’apprentissage de la vie de tonton… Je veux apprendre à connaitre mes neveux et surtout leur faire aimer cette Russie où je vis depuis plus de 25 ans. Alors, je tente de réaliser le programme touristique que j’avais prévu : la Place Rouge ( « maman, j’ai faim ! »), le métro (« papa, toilette !), le Kremlin (tonton, je voudrais une glace, ah non, plutôt un pain saucisse, ah non, plutôt deux pains saucisse ! »), le théâtre du Bolshoi (« on n’a pas le temps, il faut réparer le camion »), … et puis les cheveux à couper (« on n’a pas eu le temps avant de partir »), l’exposition à préparer, les lessives à faire, les amis à leur faire connaitre… et tout ça entrecoupé de « maman, j’ai faim ! » et de « papa, toilette !».

Kremlin, Moscou.

La plus grande cloche de Russie, Kremlin, Moscou.

Bref, on n’a pas eu le temps de se retourner qu’il faut déjà partir : la Russie est grande et le visa ne dure que 30 jours. Encore 4.500 km avant le Baikal. J’ai encore 5 jours de « vacances » pour les accompagner un bout de route et plein de belles villes à leur faire visiter en chemin.

Ce qui frappe le plus quand je m’assois sur le siège avant du tracteur, euh, pardon, du camion, c’est que vous dominez la route. Il vous semble que, pour une fois, dans un trafic souvent très chaotique où règne la loi du plus fort, c’est maintenant aux autres voitures de faire attention à vous.

Souzdal, Russie.

Après seulement quelques kilomètres une blague que Vincent avait racontée à ses enfants me revient à l’esprit. J’étais rentré pour quelques jours en Belgique et lors d’un souper à Villeroux, les enfants étaient particulièrement joyeux et remuants. Ils continuaient à se raconter des blagues de Toto. Alors Vincent avait inventé sur le moment une petite histoire :

« Toto va à l’école et annonce à sa maitresse que l’année suivante ils seraient partis avec toute sa famille pour un tour du monde en camion.

– Mais pourquoi partez-vous en camion pour le tour du monde?

– Je ne sais pas…

– Demande à ton papa ce soir

Rentré à la maison, Toto demande à son papa : papa, pourquoi nous partons pour un an en camion faire le tour du monde?

– Car quand je serai dans le camion, avec le bruit du moteur, je ne vous entendrai plus pendant un an ! »

Moi j’étais plié en deux. Un peu pour la blague et un peu pour la mine allongée des enfants qui semblaient découvrir la vraie raison de leur voyage.

Souzdal, Russie.

Je ne sais pas vous, mais moi en tout cas, devant des enfants qui se disputent, j’essaie d’asseoir mon autorité en criant plus fort. Mais là j’ai appris une autre méthode : dès qu’un peu de nervosité s’installe (et après 3, 4, 5 heures de camion, c’est inévitable) Stéphanie s’ingénie à trouver un jeu, à inventer un concours à caractère éducatif, à leur faire apprendre quelque chose de nouveau en math ou en littérature… Bref à détourner leurs énergies réfrénées par l’espace réduit du camion en occasion de découvrir de nouvelles choses.

Souzdal, Russie.
Souzdal, Russie.

Une autre découverte intéressante que j’ai pu faire est liée à deux contradictions internes à ce projet de voyage à travers l’Europe et l’Asie. Je me rappelle que quand Stéphanie et Vincent m’avaient exposé leur projet ce qui m’avait fasciné avant tout c’était ce gout de liberté, ces grands espaces de Sibérie et de Mongolie qu’ils auraient découverts. Oui, mais tout cela se fait dans un tout petit espace et les contraintes sont énormes et différentes : les exigences du camion, celles des enfants, celles liées aux visas et donc au temps maximum de séjour dans chaque pays… Cette liberté rêvée est très limitée par les circonstances et doivent s’exprimer dans un espace de cohabitation restreint. Un jour que nous étions tous un peu dépités par de nouveaux ennuis mécaniques qui rendaient grise une journée pourtant ensoleillée, nous empêchant de faire les kilomètres planifiés, Stéphanie m’a dit : « Qui sait si ce n’est pas une des choses qu’on doit apprendre durant ce voyage : accepter les difficultés, s’y plier, pour en ressortir après plus grandi. » En tout cas, c’est une des choses que moi j’ai apprise !

Entretien des différents filtres.

Et cela concerne différentes choses comme par exemple lors de la visite du Kremlin de Nijnij-Novgorod, tu essaies d’expliquer la valeur historique des bâtiments alors que l’attention des enfants n’est concentrée que sur les chars et les avions exposés… Et tu dois te rendre à l’évidence qu’ils ont bien raison de s’amuser en escaladant  et que tu le ferais bien aussi si tu perdais quelques kilos !

Nijnij-Novgorod, Russie.
Nijnij-Novgorod, Russie.

Tout cela pour dire qu’en les quittant à Kazan après presque 1.000 kilomètres de vie commune pour les libérer dans les pleines de la Sibérie, il y avait chez moi beaucoup d’émotion. La gratitude pour ces journées inoubliables passées ensemble, la certitude que les difficultés ne les arrêteraient pas, l’attente de les revoir dans 10 mois lors de leur re-passage à Moscou, avec surement plein de choses à raconter.

Jean-François

 

Pour nous aussi, ce fut un véritable plaisir de partager ce début d’aventure avec toi. Merci pour tous tes efforts.

Merci tonton !!!!

5 thoughts on “Un tonton en camion”

  1. Merci Jean-François pour ces moments passés ensemble ! Et j’adore ton point de vue sur l’aventure! À dans 10 mois…

  2. Жан Франсуа, огромное спасибо за чудесный репортаж, наполненный событиями, приключениями и юмором! А Вашему брату с семьей желаю Ангела Хранителя в пути и благополучного возвращения на родину. Хочется верить, что у них тоже поселится в сердце хотя бы часть той любви к России, которую испытываете Вы!
    Jean Francois, merci beaucoup pour Votre reportage merveilleux, rempli d’événements, d’aventures et d’humour! Et à votre frère et votre famille, je souhaite à l’Ange Gardien sur la route et à un retour en toute sécurité. Je veux croire qu’ils auront aussi au moins une partie de cet amour pour la Russie que vous rencontrez!

  3. Merveilleux reportage. T’as d’excellents restes de langue maternelle. Es-tu, comme moi un tonton adoptif chez des amis ? Je serais en tout cas incapable de faire un tel voyage de rêve avec toi comme guide. Mais il reste l’âme pour communiquer. Et c’est là l’essentiel !
    J’espère te revoir dans nos régions. A bientôt, Grand

  4. Avec la blague de Toto, je comprends mieux les motivations profondes de Steph & Vincent ! : ))
    Par ailleurs, très chouette regard sur le voyage !

  5. Wouaaah, c’est génial de découvrir ton point de vue sur cette belle aventure, Jean-François ! Quelle chance pour eux d’avoir un super tonton comme toi pour démarrer leur incroyable voyage. Vivement le 2ème article quand ils repasseront par chez toi dans quelques mois.

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