« Alors regarde
Regarde un pneu
Tu verras qu’il est joli si tu le veux ! »

Qu’il est facile de trouver des pneus de camion un peu partout dans le monde. Les transporteurs en ont besoin régulièrement, d’autant plus souvent que les routes sont mauvaises.

D’accord, ce constat fait, voyons ce qu’il en est sur le terrain. En Mongolie et les routes de pierre, il me semble bien que mes pneus fatiguent. Ils ont souffert sur les pistes, dans la montagne et le désert de Gobi. Je dois les changer bientôt. Dans une ville secondaire, je me mets à la recherche de ma référence. La réponse est chaque fois la même : « Impossible, il faut voir à Oulan Bator ». Tiens, pas beaucoup de stock dans ce pays, me dis-je.

Dans la capitale mongole, les recherches ne sont pas plus fructueuses. Malgré la présence de nombreux ateliers pour camion à la périphérie de la ville. Avec l’aide de P-A et surtout de Chouka, nous dénichons dans le Black Market les deux seuls pneumatiques qui s’en approchent. Il s’agit de pneus militaires russes qui semblent dater un peu, en 14R20.

Retour en arrière. Vous vous rappelez sans doute de notre camion au look un peu particulier. Il s’agit d’un Magirus. En fait, précisément il sagit d’un Kloeckner-Humboldt-Deutz de modèle FM120 D7 FA (dont le M indique Magirus). Il date de 1974 et ce vehicule utilitaire a été conçu à la base comme camion de pompier pour intervenir sur les feux de forêt. Avec cette dernière information, tout s’explique: son pare-buffle imposant permettant de renverser des arbres, sa hauteur de roue, sa taille basse et largeur maîtrisée permettant de se faufiler entre des rangées d’arbres, et surtout ses pneus de type militaires blindés ainsi que les jantes cerclées.

Bref du pneu pas commun, du 14.5R20, quasi introuvable en mode tout terrain.

Retour en Mongolie. Les pneus russes n’étant pas tout à fait identiques aux miens, je préfère ne pas prendre le risque. Je vais sûrement en trouver plus facilement en Chine, pays avec de nombreux fabricants de pneus.

Je tente une dernière chance dans un garage de Sainshand et la réaction du propriétaire m’interpelle. Il arbore un énorme sourire et indique qu’ici c’est « Impossible ».

Nous passons la frontière chinoise. Les grandes villes seront plus propices à ma recherche.

Malheureusement, après de nombreuses recherches, la réponse est toujours identique : « Let me see … Maybe yes … Maybe not possible … ! »
L’explication me vient enfin d’un garage plus coopératif. Il s’agit de pneus qui sont utilisés par l’armée et uniquement sur commande. Ils ne sont pas disponibles pour le public.

Je ne veux pas m’admettre vaincu. C’est le moment de sortir la carte « Appel à un ami ». Faut activer tous nos réseaux et sortir de ce mauvais pas. D’autant plus que la gomme de mes pneus fond comme neige au soleil grâce notamment au réseau moderne d’autoroute et aux milliers de kilomètres qui s’enchaînent.

Je contacte le tour opérateur à Chengdu pour préparer notre arrivée prochaine. Parallèlement, nous contactons aussi Denis et Lo-Yun (les cousins de Stéphanie avec de solides connexions en Chine). Ce dernier nous répond avec son flegme tout britannique : »Demain, c’est dimanche, vous avez vraiment le sens du challenge ». Finalement, dans cette grande ville, on ne me propose qu’un vieux stock 12R20 à un prix prohibitif. Les références ne sont toujours pas les mêmes, je ne suis pas convaincu.

Nous allons bientôt sortir de Chine, le temps presse. Nous reprenons la route vers Kunming, dernière ville importante avant la frontière.

Je sors alors mon arme internet et le site marchand alibaba.com où je contacte en une après-midi une trentaine de marchands (la plupart fabricants eux-mêmes). Les réponses sont diverses et variées. Cela va du « vous devez commander un container de 100 pneus minimum » au classique « on vous recontacte rapidement ».

Puis une réponse me parvient enfin. Susan Gao de Qingdao Huifuxin Tyre a le produit qu’il me faut. Elle peut les envoyer et dispose de plus de 5 pièces en stock. Il faut faire vite, nous sortons de Chine bientôt. Le temps de faire avancer le deal, il vaut mieux les faire envoyer à Vientiane. Elle peut le faire par avion dans un délai de 15 jours. Cela semble parfait.

Maintenant, il faut chercher un transporteur pour les réceptionner à l’aéroport et surtout faire les démarches douanières au Laos. À nouveau, je contacte tout azimut. La société LFF (Lao Freight Forwarder) est la seule à me répondre. Mais ils ont l’expérience des formalités douanières. On va pouvoir compter sur eux pour les livrer dans le garage de notre choix. « De notre choix » ? Quel choix ? Nous sommes encore loin de Vientiane et surtout nous ne connaissons aucun garage. Dans ce pays, un garage ressemble à un petit atelier, cela va être difficile de trouver ceux capable de manipuler ce genre de pneus.

Dernière difficulté, mon profil sur le site marchand ne me permet pas ce genre de transaction directement avec les fabricants. Pas de problème, je crée un nouveau profil comme marchand étranger spécialisé en import-export. Le mensonge n’est pas très gros. Le paiement est envoyé, les pneus sont préparés, nous sommes rassurés.

Lundi 20 novembre 2017, les pneus sont arrivés à l’aéroport de Vientiane. Nous partons en fin d’après midi à la recherche d’un garage poids-lourd capable de faire le changement. Attention, il s’agit de pneus militaires montés sur une jante cerclée . Il faut un peu de matos quand même. Les garages les uns après les autres nous refusent: » Pas possible … on ne sait pas faire … connais pas … ». Cela ne va pas recommencer. Nous trouvons finalement un garage où la personne parle anglais. C’est fou comme cela facilite les choses. En 10 minutes les pneus sont livrés et les hommes se mettent au travail.

Ils retirent deux roues et s’arrêtent net, embarrassés. Je les regarde, ils me regardent. Les deux roues avant sont avec chambre à air et les deux roues arrières sont tubeless. Les nouveaux pneus peuvent être l’un ou l’autre. Finalement les roues tubeless sont montées avec chambre à air aussi. On souffle tous et les hommes reprennent le travail.

Durant le démontage, avec les moyens du bord, un jeune du garage reçoit même la jante en pleine tête. Sans protection pour manipuler ce genre de pneu (ils sont même en tongues),  l’utilisation des barres de fer et du compresseur à air ont expulsé la jante à près d’un mètre de hauteur.La prenant en pleine tête, cela fut suffisant pour lui ouvrir le front et faire jaillir le sang abondamment. Sous le choc, il continua néanmoins à travailler ensuite avec les autres.

Je récupère le pneu de secours original et le hisse sur le toit de la cabine (avec un peu d’aide). Cela me fera un second pneu de secours en cas de besoin.

Je n’en reviens pas. Il aura fallu près de 2 mois de recherche pour trouver ces pneus, l’appel direct au fabricant chinois un transport par avion, une société de logistique, un garage qui n’a pas froid aux yeux pour les monter durant près de 4 heures. Tout cela pour la moitie du prix du pneu seul en Europe.

Si une autre mésaventure se passe avec mes pneus, promis je contacte Susan.

Quelle aventure ! Je n’en pneux plus !

6 thoughts on “Un p(n)eu de nouvelles”

  1. J’adooore ton humour, merci Vincent ! Mais quand même, quelle histoire pour des pneus !

  2. Que je suis heureux de t’avoir rencontré et de pouvoir vivre toutes ces aventures à travers vous.
    Et n’oubliez pas la devise de Tintin à la dernière image de ses livres : « en route vers de nouvelles aventures » !

  3. Pourtant ça a l‘air simple pour les dimensions, un pneu = +- un Aurélien. Content que cela soit en ordre.

  4. On peut dire que ça tient la route, ton histoire ! Espérons que vous n’aurez plus trop de mésaventures logistiques les prochains mois.
    Bonne route à vous tous et BONNE ANNEE 2018 !!!

    1. Ahahah! J’avais dit à Vincent de te laisser un jeu de mot! Mais on n’avait pas pensé à celui-là ;))))) En effet, pourvu que ce soit calme à l’avenir…mais qqch me dit qu’on en vivra d’autres 😉 gros bisous à vous 2

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