Voilà trois semaines que Vincent au volant du Liber’Thiry se fraye un passage sur les routes indiennes. Parce que, il faut être honnête, rouler en Inde n’est pas le terme qu’il convient d’utiliser. Se faufiler, pousser, dépasser, freiner, klaxonner, prendre la rue en sens inverse, attendre que la situation se débloque! Ça, oui!

Rouler, cela arrive entre les coups. Parfois. Cela reste presque anecdotique.

Alors, pour ceux qui projettent de prendre le volant en Inde, voici quelques conseils bien utiles.

Ainsi, il vaut mieux :

  • Oublier les règles de conduite.

Lors de votre examen de conduite, on a dû vous signaler que certains actes sur la chaussée étaient des fautes graves et par conséquent, il ne vous viendrait pas à l’esprit de couper une ligne blanche, prendre un rond-point en sens inverse, rouler sur l’autre bande de circulation ( c’est-à-dire la bande de droite ici puisqu’en Inde, on roule à gauche), stationner au milieu de la chaussée, faire marche arrière sur l’autoroute,… Eh bien, en Inde, vous y viendrez… Croyez-moi!

  • Avoir un goût prononcé pour les casse-têtes.

Prendre le volant en Inde, c’est comme jouer à Rush Hour, niveau expert 1000! Vous voyez ce jeu où il faut sortir la voiture rouge d’un traffic routier. Eh bien, courrez acheter le jeu et entraînez-vous en ajoutant des véhicules dans tous les espaces laissés libres, de manière à ne plus pouvoir bouger une seule voiture!

Et là, vous approcherez de la réalité indienne.

  • Avoir de la patience! Non, mieux encore: être la patience personnifiée.

J’imagine que les Indiens ne se donnent jamais de rendez-vous ou alors, eux, ils prévoient large. Très large! Car tout et n’importe quoi peut doubler, tripler, centupler le temps d’un trajet supposé court. En vrac: une vache, un troupeau de vaches, une chèvre, un troupeau de chèvres, un arbre qui pousse au milieu de la route, un train qui passe et repasse dans l’autre sens (?), une route défoncée, une route fermée, une route trop étroite ( mais appelée nationale quand même…), une route qui n’existe plus, une route qui n’a jamais existé, une route qui devait exister mais, en fait, non, c’est pas encore fini, un pont à une seule voie, un pont écroulé, un pont qui menace de s’écrouler, un pont qui s’était écroulé mais maintenant c’est bon, c’est réparé, mais attention quand même ,…

La palme revenant évidemment aux embouteillages monstrueux créés en peu de temps, pour deux fois rien!

  • Ne pas accorder d’importance à la logique !

Avant d’arriver en Inde, on nous avait prévenus : les Indiens font tout et n’importe quoi sur la route. Mais c’est au-delà de ça, en fait! On ne capte absolument pas ce qu’ils font. Car si on prend comme postulat de départ que l’usager utilise son véhicule pour se rendre d’un point A à un point B en un minimum de temps, notre observation nous renseigne qu’ils font tous exactement le contraire, s’empêchant eux-mêmes et le reste du monde à gagner le point B! Et là, j’ai envie de dire: « Mais, bon sang, pourquoi? »

  • Avoir pratiqué la méditation 15 ans dans un ashram au Népal .

Malgré cette circulation anarchique, dangereuse et incohérente, il faut reconnaître aux Indiens qu’ils ne s’énervent que très rarement sur la route!Alors, mieux vaut faire de même. Car lorsque tu te trouves coincé sur ta voie avec un camion en face de toi, une file de camions stationnés à ta gauche, un ravin à ta droite, une quantité de voitures derrière toi qui klaxonnent sans relâche et que la nuit tombe, il est préférable de couper le moteur et de s’installer confortablement pour attendre le moment où on te demandera soit d’avancer, soit de reculer. En attendant cet instant, l’énervement ne sert à rien ! Viendra forcément le moment où un Indien s’improvisera agent de circulation. Il y en a toujours un…

  • Ne pas souffrir d’hyperacousie.

De toute façon, après 15 jours de klaxons indiens, vous devriez logiquement être complètement sourds! Si dans les premiers temps, on s’extasie de la variété et de l’originalité des différents sons de klaxons, vient rapidement le moment où on n’a plus qu’une idée en tête : sortir du camion pour leur faire avaler leur fameux « horn ». Car ici on klaxonne à longueur de journée, pour dire  » je dépasse par la droite », TUUUT « ne dépasse pas, j’arrive! », TUUUT « attention, je te coupe la route », TUUUT » avance », TUUUT « recule », TUUUT « reste où tu es », TUUUT « je te dépasse par la gauche »,TUUUT « hé piéton, que fiches-tu sur le passage-piétons! Vire-toi de là, j’arrive! », TUUUT « je m’ennuie », TUUUT « t’as pas des chapatis? J’ai la dalle », … bref, on peut penser qu’une optimisation de l’outil serait favorable à une meilleure communication…

  • Être prudents et avoir la foi!

Cela va sans dire! La prudence et une bonne équipe d’anges gardiens sont des prérequis sine qua non avant toute incursion sur le réseau routier indien.

Est-ce parce qu’ils croient en la réincarnation, comme cela m’a été suggéré que les Indiens roulent à tombeau ouvert?! On pourrait le penser…. les accidents sont courants et les Tata ( marque répandue ici) semblent faits d’un mélange de papier mâché et d’aluminium léger, ce qui réduit fortement les chances de survie en cas de frontal! Nous avons eu l’occasion de voir quelques accidents et les camions étaient définitivement déclassés. Vincent et sa conduite d’expert nous en ont évité pas mal. Il s’en est fallu de peu parfois… comme ce jour où, alors qu’il voulait dépasser un tracteur sur une « deux bandes », celui-ci se met en tête d’en dépasser un autre. Dans le même temps, une voiture nous fait une queue de poisson en dépassant par la gauche pour piler juste devant nous, en voulant éviter les tracteurs qu’il n’avait évidemment pas vus. Vincent monte sur les freins et slalome comme il peut pour ne tuer personne ( en effet, en cas d’accident, vu la qualité des matériaux, il y a peu de chance que ce soit nous qui soyons blessés) et moi, à côté, je hurle comme une folle!

Visiblement, les policiers sont au courant que le nombre de morts sur les routes pourrait grandement diminuer en modifiant les habitudes de conduite. Et une campagne de sensibilisation est lancée. Ainsi, nous sommes arrêtés, comme d’autres, par des policiers qui nous expliquent dans un anglais très rudimentaire qu’il y a beaucoup de morts sur les routes indiennes chaque année, qu’il faut rouler moins vite, mettre la ceinture de sécurité,…

Je réalise à cet instant que je ne l’ai pas mise, je la saisis en m’excusant et j’entreprends de la boucler, en espérant éviter une amende. Mais le policier m’arrête. Non, non, ce n’est pas nécessaire. Parce que le plus important dans cette campagne, ce n’est pas ce qu’il me raconte… NON, c’est la PHOTO !!!! En effet, pour clôturer la sensibilisation, un des agents donne une fleur à l’automobiliste (en l’occurrence, moi, puisque notre volant est du mauvais côté) et l’autre prend une photo du geste (purement !) symbolique. Et me voilà en train de forcer le sourire en tenant une fleur coupée, tenue dans le même temps par un policier indien qui semble n’avoir fait que ça de sa journée. Les photos seront peut-être utilisées pour montrer au chef qu’ils ont bien bossé aujourd’hui.

Et on nous laisse repartir, la fleur sur le tableau de bord, sans ceinture bien sûr.

  • Avoir l’âme d’un cow-boy

Le cliché de la vache déambulant dans les rues d’Inde est un fait. Il y en a partout: dans les rues, sur les trottoirs, sur les ronds-points, à la boutique,…

Il n’y a plus qu’à les éviter. Je m’entends dire tous les jours :  » Attention, Vincent,ne tue pas la vache! » , avec cette image que l’animal est tellement sacré en Inde que le percuter avec notre pare-buffle serait source de très gros ennuis. Jusqu’au jour où, sur la bande de droite, nous voyons une vache morte, veillée par ses congénères. Oups!

  • Ne s’étonner de rien

Le voyageur non averti pourrait en effet s’étonner de certains us et coutumes en vogue au pays de Gandhi ( J’espère que vous avez tous la chanson en tête maintenant ! Ne me remerciez pas… c’est cadeau!). En effet, nos habitudes occidentales nous poussent à nous arrêter face à un passage à niveaux dont la barrière est descendue. Réflexe de survie somme toute assez primitif. De ce fait, le citoyen de l’ouest pourrait être grandement étonné de constater qu’une barrière baissée signifie en hindi « Baisse la tête quand tu passes dessous »,…à tel point que les piétons et motocyclistes se trouvent bientôt si nombreux sur la voie ferrée que c’est au train de klaxonner et de ralentir 500m à l’avance.

Pendant ce temps, de chaque côté de la barrière, les automobilistes qui n’ont pas pu passer sous la barrière ( c’est pourtant pas faute d’avoir essayé…) se pressent à cinq de front afin d’être les premiers à traverser lorsque la barrière sera de nouveau levée. N’ont-ils pas une intuition quant au fait que ceux d’en face risquent de faire exactement la même chose?! Parce que nous, après trois semaines en Inde, non seulement on s’en doute mais nous en sommes même certains.

Ainsi, inévitablement et sans surprise, au moment de la levée de la dite barrière, deux fronts compacts s’élancent d’à peine quelques mètres, créant le plus débile de tous les embouteillages.

Et nous, dans le Liber’Thiry, on coupe le contact et on soupire. Il faudra bien quinze minutes avant de redémarrer…

Mais voilà, malgré tout ça, ce fut vraiment un plaisir et une expérience enrichissante de rouler en Inde!

Non, c’est complètement faux ! L’Inde possède des expériences autrement plus enrichissantes que son réseau routier!

Alors, oui! C’est vrai! Sur les routes, on a fait un peu n’importe quoi

…mais faut pas déconner, c’est pas nous qui avions commencé!

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8 thoughts on “Rouler en Inde: conseils aux intrépides. ( Article co-écrit avec « the very good driver »,Vincent)”

  1. Hé ben… faudra réapprendre à rouler en arrivant en Belgique ! ; )

    1. Vincent trouvera la circulation en Belgique terriblement prévisible! Ici, nous cultivons trop peu le goût du risque et des surprises!

  2. Mais où allez-vous chercher toutes ces histoires?
    C’est rigolo, vous avez des rêves très très bizarres.
    Ho bof, ça ira mieux, lorsque vous vous réveillerez.
    Bon voyage et bisous à Gandhi
    jp

  3. Quelle patience ds cette circulation c est pour peter un cable
    Se sera un jeu d enfant de rouler en belgique ??

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