En Lettonie, je fissure le rétroviseur et Vincent coince sa portière. Nous entrons en Lettonie le mardi 1 août et d’emblée, l’état des routes est bien différent de ce que nous avons eu jusque-là. Même si l’appellation est E…, l’aspect est plutôt celui de routes de terre. La poussière vole sur notre passage et je pense qu’il faudra bientôt nettoyer le filtre à air du camion.

 

Par contre, il n’y a personne sur les routes et je trouve le moment idéal pour essayer de conduire le camion (en effet, je n’ai pas encore osé…). Je suis surprise par la force physique qu’il faut pour manœuvrer l’engin ! Mon admiration pour Vincent s’élève encore d’un cran. Même si le cours de conduite ne se passe pas mal, je parviens tout de même à me prendre une branche avec le rétro extérieur, ce qui fissure le miroir. Dans ma tête, j’entends mon prof d’auto-école qui répétait toujours : « Ne pas confondre rétro et taille-haie ! ». Ah voilà, pourquoi ! Oups ! Vincent s’agace un moment, avant de s’excuser et de relativiser. On changera cela à Moscou avec le reste. Les stations essences doivent exister en Lettonie, … sans doute. Nous n’en avons vue aucune. Nous continuons à siphonner le réservoir de droite pour remplir celui de gauche. Vincent nous trouve un coin adorable pour dormir, tout près d’un lac. Avant de dormir, Angéline a un besoin urgent et la règle veut que dans la mesure du possible on fasse nos besoins à l’extérieur du camion (toilettes publiques, quand elles sont correctes, ou bien souvent en pleine nature). Les toilettes sèches servent en cas d’extrême urgence. Dans la précipitation pour ouvrir sa portière, Vincent dévisse le « clonquet » (vous voyez le truc qui dans les vieilles voitures permettait de déverrouiller manuellement 😉 Dois-je rappeler que notre camion date de 1974 ?! Ben, quand j’étais petite, on appelait cela un « clonquet ») qui lui reste dans la main. Cédant à l’agacement, il essaie de le visser avec trop de brusquerie et la tige de fer tombe au fond de la portière. Plus moyen de la récupérer… Résultat, la portière du conducteur est impossible à ouvrir de l’intérieur et de l’extérieur ! Vincent s’en veut. Je le rassure comme il a fait pour le rétro. On va en connaître d’autres… Mais c’est vrai que le problème est de taille : nous devons passer la frontière russe demain ! Il est inenvisageable de passer la douane, en passant par la portière passager à chaque fois que le douanier (qui ne parle pas l’anglais) demande au conducteur de sortir. Cette fois-ci, nous devons réparer avant Moscou ! Vincent potasse le manuel du camion (en allemand) à la recherche d’un schéma pour démonter la portière. Rien ! Il s’endort, maudissant sa précipitation. Moi, je m’endors, heureuse d’avoir une belle vue demain matin au réveil.

Les premiers rayons du soleil me tirent du sommeil toujours trop tôt. Je jette un coup d’œil à l’heure sur le téléphone. Il est à peine 5 h du matin et il fait clair comme en plein jour. J’écarte les rideaux pour admirer la beauté des lieux et me rendors jusqu’à 9h, heure habituelle du lever. Nous déjeunons en savourant le paysage et les tartines à la confiture. Ensuite, Vincent sort ses outils et se lance dans le démontage de la portière sans plan. Je propose aux enfants d’explorer les lieux. Il ne faut pas le leur demander deux fois. On accède au lac par un petit sentier dans les bois. Les lieux sont bien entretenus (on a vu ce matin un ouvrier vider les poubelles et ramasser les déchets). Il y a de jolies toilettes dans des chalets en bois mais l’entretien visiblement ne s’étend pas jusque-là et il faut avoir le cœur bien accroché pour y faire ses besoins… Un terrain de beachvolley a été aménagé près de la rive. Des paravents de bois permettent aux visiteurs d’enfiler leurs maillots de bain à l’abri des regards avant de piquer une tête dans le lac. Quand nous arrivons à proximité, un vieil homme est déjà occupé à nager et la scène me rappelle le roman « Les chaussures italiennes » de H. Mankell, bien que l’eau soit certainement plus chaude, ici. Les enfants trouvent des cailloux et tracent des lignes dans le sable pour délimiter les paliers qui serviront à compter les points. Ils inventent un jeu (en fait, c’est le jeu du caillou. « Morduuuu ») et le nomme APRES (à prononcer Aprèz), qui tire son nom du dieu préféré d’Apolline, Apollon et du dieu préféré d’Alex, Arès. (Mais c’est quoi ces enfants ?!)

Ensuite, ils posent la sempiternelle question, sans trop de conviction. « On peut mettre les pieds dans l’eau ? » Et ils n’en croient pas leurs oreilles quand je leur réponds sans hésitation « oui, allez-y ! ». Fous de joie, ils entrent dans l’eau mais bien vite, gênés par leurs vêtements, ils finissent par les enlever. Apolline, plus pudique, court au camion trouver les maillots pour tout le monde. Vincent nous rejoint peu après : il est parvenu à récupérer la tige de fer et à réparer la portière. Il s’étend sur le ponton pour une micro-sieste. Je m’assieds à ses côtés, confiante. Le soleil brille. Les enfants jouent. Là, en cet instant magique, tout va parfaitement bien.

2/08. Cet après-midi-là, nous passons 3h30 à la douane russe. Comme attendu, personne ne parle anglais. Les agents ont dû mal à classer notre véhicule. Où faire la croix ? Voiture ? Non, certainement pas. Camion ? euh, ouais… Camping-car ? Ça y ressemble un peu… Ce qui ne fait aucun doute, c’est que le Liber’Thiry ne passe pas inaperçu. Depuis le début du voyage, on a déjà croisé par mal de regards étonnés, surpris, admiratifs. Certains ont levé le pouce dans notre direction. S’il n’y avait cette satanée barrière de la langue, des dialogues seraient déjà nés. A la douane, certains agents quittent même leur file pour venir regarder le Deutz de plus près. Et même si l’ambiance est loin d’être amicale et détendue, l’originalité de notre moyen de transport, la plaque belge et la présence des enfants suscitent une curiosité bienveillante qui allège très légèrement la lourdeur des procédures. Enfin, nous entrons en Russie sous une averse apocalyptique.

La première impression est celle d’un pays désert (et pourtant, c’est la partie la plus peuplée). Nous n’avons pas de roubles et les lieux où nous nous arrêtons ne prennent pas Visa. Nous tapons alors dans les provisions pour un repas original, avant de s’endormir.

A la première heure, le lendemain, nous nous mettons à la recherche d’une banque et d’une pharmacie pour acheter une crème apaisante pour les piqûres de moustiques. En effet, voilà plusieurs jours qu’ils s’acharnent, les bougres. Le moment est magique et les enfants morts de rire lorsqu’ils me voient en train d’expliquer à grand renfort de mimes à la pharmacienne pleine de bonne volonté ce que je souhaite acheter (en moi-même, je me réjouis de ne pas avoir dû mimer la crème pour mycose vaginale !). D’une manière générale, les Russes que nous croisons sont accueillants et veulent nous aider. Certains utilisent Google translate pour communiquer avec nous, plus rarement l’Anglais. Nous n’avons plus Internet depuis le passage de frontière. Je commence à étudier le russe dans le manuel que j’ai acheté avant le départ : la frustration est trop grande de ne pas pouvoir communiquer. Je sais que j’ai peu de chance de pouvoir apprendre en si peu de temps. Lire serait déjà un bon début.

On s’arrête dans la campagne russe pour les corvées habituelles : petite lessive (les vêtements sont sortis de notre mini lave-linge avec une odeur de saucisson, alors en attendant de trouver le problème (ou le saucisson…) je lave tout à la main), vider et nettoyer les toilettes sèches, balayer le camion,… Vincent en profite pour se raser en fixant un miroir sur la roue de secours.

La tristesse qui émane des paysages russes – de grandes étendues désertes, parsemées de ci de là d’installations rudimentaires ( Kafé, Magazin, Produkthi,…) contraste avec l’affabilité des locaux que nous croisons.. Ce soir-là, la nécessité d’une douche s’impose et nous nous arrêtons dans une station essence qui annonce la présence de cette commodité. De nouveau, nous sommes bien accueillis et la méconnaissance de nos langues mutuelles ne décourage nullement les gens d’essayer de savoir d’où nous venons et où nous allons. Pour ce qui est de la douche, elle a été installée de façon originale dans un ancien container de forme cylindrique et surélevée d’un côté de manière à faciliter l’écoulement des eaux. L’homme de la station-service vient nous chercher au camion lorsque la douche est libre, comme convenu, et nous fait une rapide visite de l’installation. Le container est séparé en deux parties : un vestiaire avec évier et une partie toilette tout à fait inutilisable (oh, mon dieu !). La deuxième partie est réservée aux deux douches proprement dites. L’ensemble est dans un état de délabrement avancé et la propreté des lieux laisse à désirer mais nous faisons abstraction de tout cela… Viendra un moment où nous utiliserons le système prévu dans le camion pour nous doucher en autonomie…

Sur la route vers Moscou, nous explorons une église à l’abandon et c’est un lieu propice pour enflammer l’imagination d’Apolline (qui a déjà lu une quinzaine de « Chair de poule » depuis le début du voyage – heureusement qu’elle a sa liseuse !).

Finalement, nous arrivons à Moscou le vendredi 4 août à 18h et nous allons directement sonner chez Jean-François. Quel plaisir de le voir ! Une nouvelle étape de nos aventures commence alors.

9 thoughts on “Entre Villeroux et Moscou : quand le Liber’Thiry part en morceaux ;-) Partie 2”

  1. Heps! J’ai beaucoup ri avec l’hypothétique saucisson dans la machine à laver. Je lis avec plaisir vos aventures. Biz. Anne.

  2. L’expression « ne pas confondre rétroviseur et taille-haie » m’a bien amusé.

  3. Si jamais, à ton retour à l’école, tu dois faire un gage lors de nos réunions parfois animées, je garde en tête le mime pour la pommade contre les mycoses vaginales. Fou-rire assuré avec la bande de copains ! : ))

  4. Je partage le plaisir de lire tes commentaires tournés avec humour? bonne route!

  5. Quel bonheur de te lire Steph! J’ai l’impression que tu es à côté de moi pour me raconter vos aventures. C’est super gai! As-tu déjà fait la sauterelle ??
    Je vous embrasse bien fort et j’ai hâte de lire la suite!

  6. Moi aussi j ai ri… Je t imagine bien ds la pharmacie…?
    Chouette que les enfants aient pu se baigner. Et pour les piqures de moustiques, le vinaigre peut vmt soulager. Bisous

  7. On se régale à chaque lecture ! Et on attend impatiemment le dénouement de « L’affaire du saucisson ». ?
    Prenez soin de vous et profitez à fond de l’aventure malgré les quelques imprévus. Plein de bisous de nous 5 ???

  8. c’est comme si je lisais un roman d’aventure, écrit avec humour

  9. Il faudrait que je relise « Les chaussures italiennes »…
    J’ai aussi beaucoup ri en imaginant la scène de la pharmacie!

Comments are closed.