Il est impossible de voyager en Iran sans s’intéresser à cette coutume fortement ancrée qu’est le Taarof. Il régit tous les aspects de la vie sociale et n’est pas sans rapport avec la réputation selon laquelle l’Iran serait une terre très hospitalière!

Alors de quoi s’agit-il ?

Le Taarof est une attitude de politesse qui consiste à offrir ou à complimenter. Les Iraniens la pratiquent à longueur de journée, dans toutes les situations du quotidien. En contre partie, il convient de refuser ce qui est offert. Le Taarof peut durer longtemps dans un échange de  » je t’offre, tu refuses, j’insiste, tu refuses,… », donnant des situations tout à fait improbables!

Ainsi, prenons un échange imaginé entre deux femmes iraniennes.

– Il est joli ton bracelet (même si elle le trouve super moche!)

– Oh merci! Je te le donne si tu veux! ( même si cela lui ferait mal au cœur de s’en séparer)

– Non! Je n’en veux pas!

– J’insiste! Prends-le!

– C’est gentil mais je refuse.

– Vas-y! Prends! Ça me fait plaisir !

– Non vraiment !

– Sans Taarof! Prends-le!

Et cela peut durer longtemps de la sorte.

Il est donc tentant d’y voir une certaine forme d’hypocrisie, sous couvert de politesse. Car on ne peut jamais savoir si la personne qui te complimente ou te fait un cadeau le fait sous la contrainte du Taarof ou si elle est sincère. Car si certains le pratiquent de manière évidente ( en proposant une seule fois par exemple ), d’autres y mettent les formes et insistent encore et encore. Et il est d’usage lorsqu’on propose sincèrement quelque chose, entre amis ou en famille, de préciser  » sans Taarof » pour prouver sa sincérité. Cependant, le fait de dire sans Taarof, c’est aussi du Taarof! Alors, comment savoir ?!

De là, des paradoxes surgissent, quand d’un côté la tradition persane t’oblige à complimenter l’affreuse robe que vient de s’acheter ta tantine, et que de l’autre côté, la coutume musulmane t’interdit de complimenter la jolie copine de ton ami sous peine de te faire casser la figure! Et si on ajoute à cela les contraintes imposées par la loi (pas d’alcool, pas de fête mixte, pas de repas pour qui que ce soit pendant le ramadan, port du voile obligatoire… ), contraintes aisément contournées et adaptées par les Iraniens, il devient difficile de trouver la sincérité dans tout cela!

Mais ce sont, en premier lieu, les Iraniens qui peuvent souffrir de cette tradition: en effet, ceux-ci sont souvent mal à l’aise avec les transactions financières, puisque la politesse les incite à offrir et non à réclamer de l’argent. Ainsi, l’histoire de ce couple de voyageurs qui a passé un mois en Iran, sans débourser d’argent ou presque, pour le logement ou la nourriture et qui louent à qui veut l’entendre la bonté des Iraniens !

Alors Taarof ou pas Taarof? Quelques petites situations vécues pour repérer et comprendre cette politesse à l’iranienne.

– le chauffeur de taxi qui à la fin de la course te dit que la course est gratuite ? Taarof, bien sûr! Tout le monde doit gagner sa vie.

– la famille iranienne qui prend des photos de nos enfants et qui nous invite chez eux, dans la foulée ? Taarof, bien sûr ! Ils sont partis avant que notre guide ait fini de nous traduire l’invitation… sans laisser d’adresse.

– Pourya, notre hôte, qui nous propose du dough? Taarof bien sûr. C’est sa boisson préférée: un mélange de yogourt, eau et sel, parfois agrémenté de menthe. Une chance pour lui qu’on n’aime pas ça !

– la dame de l’épicerie qui par geste fait comprendre à Vincent qu’elle est dans son cœur?! Taarof, bien sûr ! Mais chuuuut, Vincent ne le sait pas: il est persuadé qu’elle est sincère ! (Bon ok, ça va! Peut-être pas Taarof!)

– Cyrus, un de nos hôtes, qui refuse la chaise que je lui propose alors qu’il mange par terre. Taarof, bien sûr ! C’est vachement plus confortable à table!

– Vincent qui me dit que je peux prendre la dernière bière dans le frigo? Taarof, bien sûr !

Ben oui! A bien y regarder, les Iraniens ne sont pas les seuls à pratiquer le Taarof… Combien de fois ne proposons-nous pas par simple politesse, sans aucune sincérité… cependant, il ne nous viendrait pas à l’idée de le reconnaître ni de nommer cela autrement que la politesse ! Tandis que pour un Iranien, le Taarof a presque valeur de loi et chacun est tout à fait conscient que tout le monde « taarofe « !

Alors finalement, rien que par l’existence du mot Taarof lui-même, je les trouve bien plus honnêtes que la plupart d’entre nous, ces Iraniens… et tellement sympathiques!

Et je dis cela sincèrement…

Sans Taarof!

8 thoughts on “Avec ou sans Taarof? La politesse à l’iranienne”

  1. hahaha, le néophyte que je suis; d’après l’intitulé et la photo de l’article, je croyais que c’était un truc qui se mangeait :-). Heureux que vous ayez bien traversé la mer et que vous semblez tous en bonne santé 🙂 Paul m’a d’ailleurs téléphoné ce WE pour me rassurer sur ce point :-). Profitez bien et soyez prudent. Bizkiboost

  2. Nous avons été bien contents, Eveline et moi, en constatant sur la photo que Vincent n’a pas encore de cheveux blancs…. Ou alors, une perruque ?

  3. A ton retour, le lycée va t’offrir un an de pause-carrière, avec salaire… ou alors c’est taarof ?…

  4. Le type de l’hôtel de Bandar Abbas est fan de tshirt de foot. Il en change 3 fois par jour. Je le complimente sur un qui est orange éclatant. Il me dit : »For you ! ». Taarof?

    Bien sûr que non, il est déjà en train de l’enlever.

  5. L’épicier du quartier m’annonce le prix : 514k rials. Je lui tends 2 billets de 500k. Il m’en rend un. Je plonge alors dans ma poche pour lui donner le compte juste en petits billets. Lorsque je lui tends, il refuse avec un grand sourire. Alors, taarof ?

    Bien sûr que non, malgré les trois tentatives d’usage, je n’ai jamais réussi à lui payer son dû au brave homme.

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