15/03/2018

Contre mon consentement, il a gardé des coquillages et est en train de jouer avec dans le camion. Certains sont encore habités et l’odeur promet d’être insoutenable dans quelques jours . Pour l’heure, je le laisse faire.

Des quatre enfants, c’est lui qui a le plus grandi en 7 mois de voyage et paradoxalement c’est peut-être celui qui a le moins changé. Il est resté égal à lui-même car sa liberté, il ne l’a pas gagnée dans le voyage. Il l’a emportée avec lui … et nous l’impose souvent.

Son quotidien consiste à faire exactement ce qu’il veut, à marquer son impatience régulièrement, à crier fort et frapper aussi, à jouer avec tout et n’importe quoi, à se créer un monde à lui, à nous faire rire, à imiter tout ce qu’il voit, à observer son environnement avec beaucoup d’attention et puis à poser des dizaines de questions auxquelles je n’ai souvent pas de réponse. Ce qui m’oblige à faire des recherches. Sur les fourmis par exemple! Un monde qui le fascine et que nous pouvons observer à loisir puisque nous en abritons- bien malgré nous -dans le Liber’Thiry!

Il est en extase devant son grand frère. Et même s’ils se disputent, les moments câlins ne sont jamais loin. Il voudrait faire comme les « grands » mais joue au petit de temps en temps.

Ses sœurs prennent aussi souvent soin de lui. Et elles se plaignent autant de lui qu’elles ne prennent sa défense ou le consolent si je me fâche sur lui!

Même si je m’obstine à l’appeler « mon bébé » et que de guerre lasse il ne me reprend plus, nous savons, lui et moi, que ce temps est bel et bien révolu.

Quand il a une idée en tête, plus rien n’a d’importance. Et lorsque Tata Chou, venue passer un mois avec nous au Cambodge, lui a promis son parfum à son départ, il n’a eu de cesse de lui demander, trois fois par jour: « C’est aujourd’hui qu’on te reconduit à l’avion?! »

Sur les routes d’Asie, il marche d’un pas décidé . Souvent devant tout le monde ou derrière, jamais au milieu! Il court loin et il faut le rappeler. Il traine en boudant et il faut le tirer. Il tend les bras et il faut le porter. Mais, avouons-le, de moins en moins.

Il est prêt à goûter beaucoup de choses et souvent dans l’assiette des autres. Il est devenu spécialiste du riz frit tant il en a mangé depuis notre arrivée en Asie du Sud-Est. Il aime les bananes, les fruits du dragon, les pastèques et les longanis! Il aime moins le lait de coco et l’ananas. Il mange épicé à notre plus grand étonnement.

Malgré toutes les découvertes culinaires, rien ne vaut le boudin! À tel point que, lorsque mes parents lui ont demandé en appel-vidéo ce qu’ils pouvaient lui amener de Belgique pour lui faire plaisir lors de leur visite, Aurélien a commandé boudin et saucisson. À l’aéroport, après s’être jeté dans les bras de sa grand-mère, il n’a pu s’empêcher de vérifier qu’elle avait bien sa commande avec elle! Et au moment de l’apéro, il a eu toutes les difficultés du monde à partager SON boudin et SON saucisson !

Il prend son autonomie! S’habille, se douche, plonge dans l’eau, s’éloigne pour découvrir les animaux, les paysages, le monde et puis revient avec plein d’histoires à raconter! Et là, on a plutôt intérêt à écouter. Puis parfois, il veut être accompagné, pris par la main et rassuré! Le monde est si grand tout de même…

Il a de l’énergie à revendre et heureusement, sa salle de classe est vaste et lui permet de se défouler souvent!

Face aux étrangers et particulièrement les femmes qui essaient de le câliner, il est devenu très farouche, limite agressif et refuse de leur faire des sourires ou de dire bonjour. Pourtant, c’est souvent lui et son irrésistible fossette qui attirent le plus les regards. « So cute!!!! » En Chine, il était régulièrement caressé, photographié, et parfois même porté contre sa volonté et la nôtre. Depuis, il se rebiffe et il est difficile de lui donner tort! Il refuse d’être touché et même d’adresser un sourire aux locaux qui le regardent avec tendresse. Au mieux, ils ont droit à une grimace ou à un cri ! En réponse à mes vaines tentatives de lui faire faire un petit salut amical, Apolline avait bien essayé au Laos de lui faire croire que Sa-bai-dee ( bonjour) signifiait « Fichez-moi la paix! ». Pourtant, certains ont réussi à gagner sa confiance ou du moins à apaiser sa méfiance. Ainsi, il a appris à lutter en Mongolie pour participer au prochain Naadam.

Il n’a peur de rien: monter sur un cheval, un éléphant, tenir dans ses mains un crocodile, un bernard-l’ermite, un crabe,… il veut bien tout tenter! Ses yeux sont toujours grand ouverts sur ce qui l’entoure!

Pour Aurélien, le Liber’Thiry est définitivement trop lent! Impatient dans tous les aspects de sa vie, il préférerait une voiture ( noire ou blanche si possible ?) pour voir le monde. Durant les journées de voyage, son temps se partage entre siestes, jeux ou bêtises. Il n’a pas son pareil pour embêter les autres lorsque l’ennui le guette. Et il faut un trésor d’imagination pour l’occuper dans ces moments-là car la situation peut vite s’envenimer.

Il aime les histoires et a toujours une question sur l’intention des personnages. Pourquoi il fait ça? Pourquoi il dit ça? Pourquoi il veut ça ? Et on entre alors dans de longues discussions qui se poursuivent dans son esprit, bien après nos silences.

Parfois, son questionnement et son imagination, mêlée à ce qu’il entend, le mènent si loin que je reste perplexe devant ses interrogations. Ainsi, lors d’un repas, il vient s’asseoir sur mes genoux pour me demander:

AURÉLIEN : Dieu, quand il a eu fini de tout fabriquer, il a fait l’amour avec tous?!

Là, je me suis vraiment sentie dans la peau du roi Arthur face à Perceval.

MOI: Hein?!

AURÉLIEN ( un poil agacé) : Ben oui, quand il a eu fini de fabriquer tout ça , les hommes, les plantes, les animaux, les cailloux,… il a fait l’amour avec tout le monde???

( L’amour avec un caillou ?!???? ?)

MOI ( en mode « je pige pas un broc de ce que tu m’racontes mais je m’accroche « ): Euh, c’est quoi pour toi « faire l’amour » ?!

AURÉLIEN ( qui a déjà atteint ses limites de patience, assez faibles-il faut bien l’avouer): C’est se marier pour faire des bébés.

MOI ( définitivement perdue): Tu me demandes si Dieu s’est marié et a fait des bébés avec tout le monde?!

AURÉLIEN ( tout à fait exaspéré) : Oui, comme c’est lui qui a fabriqué tout.

MOI ( avec l’idée qu’à 4 ans, tout tourne autour de lui): Tu veux savoir si Dieu est ton père, en fait?!

AURÉLIEN (me tournant le dos): Bon, moi, je parle plus.

Des quatre, c’est aussi celui qui réclame le plus la maison. Jusqu’il y a peu, il voulait revoir papy et mamie et maintenant qu’ils sont venus, il veut revoir dans le désordre « la maison de Villeroux », les « outils » que sa marraine lui avait offerts à son dernier anniversaire et que nous n’avons pas emportés, ses copains d’école, surtout Léandre. Malgré ces demandes ponctuelles, il est heureux de découvrir, de discuter, de se faire des nouveaux copains…

Son meilleur copain de voyage s’appelle Augustin. Il a trois ans et demi et est le dernier né de PA et Jane. Vif et espiègle, il est un complice idéal, et son caractère doux compense quelque peu le tempérament excessif d’Aurélien. De plus, il ne se formalise pas outre mesure des  » je ne jouerai plus jamais avec toi » proféré par un Aurélien en colère. Même s’ils se disputent parfois, ils sont toujours si heureux de se retrouver que l’on peut bien fermer les yeux sur l’une ou l’autre bêtise. Ils peuvent passer des heures à jouer aux Playmobils dans Boulpic, à se courir après en riant ou encore à discuter de choses très sérieuses, comme seuls en sont capables des petits garçons de trois et quatre ans !

Devant un livre sur les pirates, par exemple:

Augustin ( sûr de lui): Les Pirates, c’est vraiment horribles ! C’est les plus méchants de tous.

Aurélien ( dubitatif): Les Khmers Rouges, c’est pire.

Augustin ( intéressé): ah oui?!

Aurélien ( d’un ton docte): Ben oui, les Khmers Rouges, ils mettent du sel sur les blessures ! Et ça fait très mal! Et puis, ils tapent très fort! Les Pirates, eux, ils te tuent et c’est tout!

Augustin (convaincu): Ah oui! Les Khmers Rouges, c’est pire!

Il y a deux jours, nous avons rencontré une autre famille belge en TDM ( mais à vélo eux!) dont une des filles, Maïa, est âgée de 4 ans aussi. Nous les avons pris en stop jusqu’à Bangkok. Et ce fut l’occasion pour nous de découvrir une autre facette de notre Loulou, définitivement charmé par la demoiselle! Et les voilà en mode « selfie ».

Beaucoup m’ont dit qu’il ne retiendrait pas grand chose du voyage, étant donné son jeune âge. Je n’y crois pas. Certes, il ne retiendra pas les mêmes choses que nous car, à 4 ans, son intérêt est ailleurs et sa mémoire passe par ses sens! Ainsi, à Battambang, à la question posée par des voyageurs qui voulaient connaître son pays préféré, il leur répondit à ma grande surprise: la Mongolie! Et lorsqu’ils lui demandèrent pourquoi, il leur fit cette réponse: « parce qu’on mangeait des pâtes tous les jours! » Il est vrai que la gastronomie mongole étant principalement à base de mouton, les « pâtes pesto » étaient perçues par tous comme un repas de fête!

Certains événements sont gravés pour longtemps dans son cœur, comme le jour où il m’a vue pleurer en Mongolie lorsque nous avons dû quitter Vincent pour une nuit en le laissant dans les montagnes gelées. Il m’en parle encore.

Comme aussi du jour où à Hoi-An (Vietnam), nous sommes partis faire une balade en vélo pour terminer par une visite à l’hôpital ! Je vous raconte l’histoire?! … bien que sa version soit plus amusante et un brin plus dramatique !

Il pleut sur Hoi-An depuis quelques jours mais nous avons décidé de faire un tour à vélo dans la campagne environnante et rien ne nous arrêtera… Enfin, presque rien ! Au bout de vingt minutes de promenade, alors qu’Aurélien est assis sur mon porte-bagages, je sens les roues du vélo se bloquer et un cri retentit derrière moi. Le pied de mon passager a glissé derrière la barre de métal qui soutient le siège arrière et s’est coincé dans la roue. J’essaie d’évaluer la situation en retenant la vague de panique qui menace car à première vue, son pied n’est plus dans l’axe de sa jambe. Ses hurlements se comprennent ! J’appelle à l’aide Vincent et le guide qui , loin devant, ne se sont rendus compte de rien. Pendant que son papa le soutient, nous essayons, le guide et moi, de faire repasser le pied d’Aurélien du bon côté ! Impossible. Pourtant, il est bien arrivé là ! Évidemment, il a été entraîné par le mouvement de la roue. Rien que d’y penser, mon cœur de maman se déchire. J’entends Apolline sangloter à côté de moi. Je lui délace sa bottine de marche et sans la chaussure, nous parvenons à décoincer le pied, qui reprend sa position normale. Ouf! La balade s’arrête là. De la glace, de la crème et un bandage plus tard, il va mieux! Mais impossible de marcher pour l’instant! D’après la photo que je lui ai envoyée, papy se montre rassurant! Le pied ne semble pas cassé, la bottine haute a sans doute contribué à éviter le pire. Le lendemain, nous avions prévu de quitter Hoi An pour Danang. Nous en profitons pour faire une radio de contrôle ( rien de cassé) et un bandage digne de ce nom, dans un superbe hôpital où nous sommes accueillis comme des princes! Pas d’attente, des bonbons pour les enfants et une traductrice ( vietnamien-anglais) qui nous suit chez les différents médecins! Aurélien est ravi. Il passera encore quatre jours à se faire porter (pour la partie « sac à dos » de notre voyage, c’est ballot quand même !)!

Et cela ne l’empêchera pas de faire une balade à vélo deux semaines plus tard au Cambodge, les jambes bien écartées, cette fois-ci et plus sur mon porte-bagages!

Après lui avoir lu cet article pour approbation, il me demande de vous dire qu’il aime les arbres parce qu’ils portent des fruits, qu’il aimerait un lapin, un lézard ou un oiseau comme animal de compagnie. Puis, il vient se blottir sur mes genoux , le tète posée contre ma poitrine et il me sourit en me chuchotant un « moi, je t’aime bien maman » qui vaut tout l’or du monde, avant de sombrer dans le sommeil!

Heureusement pour nous, il y a toujours un moment où il sombre dans le sommeil.

12 thoughts on “Aurélien, globe-trotter à 4 Ans (portrait)”

  1. Le plaisir de te lire à nouveau! Et quelles superbes photos…

  2. AUGUSTIN : « Aurélien, c’est Mon Aurélien??? Quelqu’un a écrit sur Mon Aurélien ??? »
    Magnifique article une fois de plus, et tellement vrai !!!…

  3. J’adore tellement ta plume Steph!!!
    Tellement chouette tout ça! Gros bisoux à tous les six!

  4. Tu as une plume de reine, continue à nous faire rêver, merci pour ces belles images au propre comme au figuré
    Bisous
    Madeleine

  5. Un texte et des images magiques. Une maman qui parle aussi bien de son fils, c’est tout simplement merveilleux !

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